Biocarburants: à la poursuite du petrole vert
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Title |
Biocarburants: à la poursuite du petrole vert
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Creator |
Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
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Description |
La flambée des cours du pétrole suscite un regain d'intérêt pour les carburants d'origine végétale. Canne à sucre, manioc, sorgho ou pourghère : dans les pays ACP, on teste tous azimuts. “Pétrole vert” ? L'association de ces deux mots semble a priori contre nature. Pourtant, les biocarburants sont bel et bien des carburants issus de la biomasse, produits à partir de déchets végétaux ou animaux et de plantes cultivées dans ce but. Les biocarburants possèdent des propriétés similaires au pétrole et s'emploient dans des moteurs diesel ou à essence. En théorie, ils pourraient donc se substituer totalement au pétrole cher et polluant. L'idée est dans l'air depuis les deux crises pétrolières des années 1970. Certains pays n'ont pas attendu la hausse actuelle des cours pour s'intéresser à d’autres sources d’énergie. Au Brésil, tous les véhicules roulent avec un mélange incorporant au moins 25 % d'éthanol tiré de la canne à sucre. Consommateur précurseur, le Brésil produit plus de 12 milliards de litres de biocarburants par an, près du tiers de la production mondiale estimée à plus de 35 milliards de litres. Le bioéthanol brésilien revient à 25 $ US le baril, soit moins de la moitié du prix de l'or noir. Or vert, or noir En Afrique du Sud, les procédés industriels de production de carburants innovants à partir du charbon, du gaz naturel et surtout de la biomasse étaient déjà utilisés à grande échelle sous l’apartheid, au moment de l'embargo pétrolier. L’éthanol est aujourd'hui le principal biocarburant produit par la Société de développement énergétique qui rachète les surplus de maïs aux fermiers pour les transformer. Trois millions de tonnes de maïs fournissent 1,26 milliard de litres de carburant, soit 12 % de la consommation sud-africaine. Le pays dispose aussi de canne à sucre et de sorgho convertibles en bioéthanol. Bioéthanol et biodiesel Le bioéthanol est un carburant principalement obtenu à partir de la fermentation des sucres contenus dans certaines plantes et par la distillation de l'amidon contenu dans les tubercules. Il peut être mélangé à l’essence dans des proportions allant de 5 à 85 %. Le biodiesel ou diester est obtenu à partir d'huile végétale ou animale (déchets animaux) transformée par un procédé chimique appelé transestérification. Il peut être utilisé seul dans les moteurs ou mélangé avec du pétrodiesel. Aux antipodes de cette diversification, d'autres pays africains ont vu leur facture énergétique s'alourdir, même les pays producteurs de pétrole. Car si ces derniers exportent du brut, ils importent des produits pétroliers raffinés. C'est le cas du Nigeria (environ 2 millions de barils de pétrole brut par jour) qui tire 90 % de ses devises de la vente d'hydrocarbures. L'option pétrole vert semble d'autant plus pertinente que les carburants fossiles sont en quantité limitée sur la Terre. Les réserves sont estimées entre 140 Gt (giga tonnes ou milliards de tonnes, équivalant à 1 050 Gb ou giga barils) d'après le Oil and Gas Journal et 160 Gt (1 200 Gb) d'après l'US Geological Survey. Au rythme de la production et de la consommation actuelles, le pétrole sera épuisé au mieux dans 65 ans, selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED). La plupart des pays se sont par ailleurs engagés en 1997, par le Protocole de Kyoto, à “réduire leurs émissions globales de dioxyde de carbone d'au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990” sur la période 2008-2012. À la différence des carburants fossiles qui libèrent dans l'atmosphère du carbone initialement stocké sous terre, le carbone des biocarburants provient de l'atmosphère et ne fait que retourner d'où il vient lors de sa combustion. Inconvénient majeur : les biocarburants sont à l'heure actuelle encore très coûteux à cultiver, à collecter et à transformer pour les pays novices en la matière. Des chercheurs du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) estiment que le pétrole vert ne sera rentable face au pétrole classique que si celui-ci reste à un cours très élevé (au moins 70-80 $ US/baril). Autre limite : sur la base des consommations de 2004, il faudrait cultiver six fois la surface terrestre si l'on voulait remplacer tous les carburants fossiles par des biocarburants ! Opportunité énergétique ? Pour la Commission européenne (CE), le bioéthanol pourrait constituer “une solution de remplacement viable pour les pays producteurs de sucre affectés par la récente réforme du sucre communautaire”. Celle-ci prévoit une réduction de 36 % sur quatre ans du prix payé aux pays ACP, autrefois garanti par le Protocole sur le sucre (voir Spore 122). Conscients de l’inéluctabilité du changement, certains pays ACP, gros producteurs de sucre, ont commencé à diversifier leur production historique. Maurice a entamé sa reconversion et produit de l'éthanol. L’île compte aussi 10 centrales électriques mixtes produisant plus de 40 % de son électricité grâce à la bagasse (voir Spore 116). À Fidji, des études menées à l’Université du Pacifique Sud avec des experts mauriciens ont conclu que cet autre petit État insulaire ACP disposait du même potentiel. Maurice carbure à l'éthanol Au moment où le cours du pétrole flambe et où celui du sucre s'effondre, l'île Maurice développe une troisième voie intéressante. Après avoir lancé il y a trois ans la production d'éthanol brut à partir de la canne à sucre, Alcodis, première unité de fabrication locale, produit de l'éthanol déshydraté. Le projet, d'un montant de 10,5 millions d’euros, a été réalisé grâce au partenariat entre deux groupes locaux, Roland Maurel et Mauvilac Ltd, et le groupe espagnol Tradhol Internacional, un des leaders mondiaux de la distribution d’éthanol, actif notamment en Afrique et dans les Caraïbes. L’éthanol déshydraté est utilisé comme biocarburant ainsi qu'en pharmacologie, en cosmétologie et dans l’industrie chimique. Alcodis compte exporter vers l'UE d'ici fin 2006. Dans les Caraïbes, Saint-Kitts, qui a fermé son industrie sucrière en juillet 2005, étudie les propositions de plusieurs compagnies américaines et norvégiennes pour transformer une partie de sa canne à sucre. Le projet pourrait être viable à partir de la culture de 2 500 ha de canne. Même intérêt au Guyana, qui a signé en octobre 2005 un accord de partenariat avec le Brésil. La Jamaïque envisage de suivre la même voie. Autant de projets susceptibles d'apporter des revenus supplémentaires aux petits producteurs et de diversifier l'approvisionnement en énergie dans les secteurs des transports publics et de l'électricité. Le Nigeria a fait le choix de produire de l'éthanol à partir du manioc (voir Spore 120). Depuis cette année, une loi autorise l'incorporation de 10 % de biocarburant dans l'essence, réduisant ainsi du même coup la facture pétrolière et la pollution. Dans un premier temps, ce pétrole vert sera importé du Brésil. Autre piste particulièrement prometteuse : le sorgho, qui exige peu d'engrais et résiste à la sécheresse. Ainsi, en République dominicaine, une unité de production d'éthanol verra bientôt le jour couplée à une usine électrique de 20 MW. Les huiles végétales font elles aussi l’objet d’un intérêt croissant pour alimenter les moteurs diesel destinés à l’agriculture, à la production d’électricité ou au transport. Au Malawi, on encourage les agriculteurs à abandonner le tabac pour se tourner vers le pourghère (Jatropha curcas), une euphorbiacée résistante à la sécheresse, facile d’entretien et boudée par les animaux à cause de son odeur désagréable. Plus d'un million de ces plantes pousseraient actuellement dans le pays. Au Mali, le Programme national de valorisation énergétique du pourghère (PNVEP) vise à tirer parti de cette plante pour l’électrification rurale et les véhicules de transport. Objectif : assurer d’ici à 2008 l’électrification de 350 villages dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou. Partout dans le monde des essais sont menés pour tester différentes plantes oléagineuses – jojoba, noix de coco (voir Spore 105) ou de palme, coton, tournesol, arachide, soja, colza, lin – capables de fournir du biocarburant à faible coût. La production à grande échelle de biocarburants est cependant loin de faire l'unanimité. Elle pourrait entraîner une pression accrue sur les zones écosensibles, des effets adverses sur la fertilité des sols, une baisse de la disponibilité et de la qualité de l'eau et une utilisation accrue d'engrais et de pesticides. De plus, si la combustion de ces carburants dits bio produit en général moins de monoxyde de carbone, de dioxyde de soufre et de particules, elle libère, par contre, d'autres composés toxiques en plus grande quantité. Le bilan énergétique global de la fabrication des biocarburants est également contesté. Une étude publiée en juillet 2005 par des chercheurs de l'Université de Berkeley (États-Unis) montre que la production de biodiesel à partir du soja consomme 27 % d'énergie en plus que celle du pétrole. La concurrence entre cultures énergétiques et cultures alimentaires dans les pays ACP suscite également un débat. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) note que, si la production des carburants alternatifs augmentait de manière significative, les besoins en terres seraient considérables. La consommation croissante de pétrole vert pourrait modifier l'utilisation des terres et entraîner une hausse des prix des produits alimentaires dramatique au Sud. Pour un développement propre Il existe un risque réel de déséquilibre entre les pays où les biocarburants peuvent être produits au coût le plus bas et ceux où la demande augmente le plus vite. Il devrait toutefois bientôt être possible de réduire le prix de revient des biocarburants grâce à la “bioraffinerie” (une utilisation optimale de toutes les parties de la plante) et aux biocarburants dits de deuxième génération, à partir de matières ligno-cellulosiques telles que la paille et les déchets de bois. En juin 2005, la CNUCED a lancé son Initiative sur les biocarburants. Un groupe international d´experts a été constitué afin d´aider les pays du Sud à mieux tirer parti d´une augmentation de la production, de l´utilisation et du commerce des biocarburants. Cette initiative vise à générer de nouveaux investissements par le Mécanisme pour un développement propre. La déclaration ministérielle de Doha, adoptée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, va dans le même sens. Elle encourage la tenue de négociations sur “la réduction ou […] l´élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires visant les biens et services environnementaux”. Les biocarburants dérivés de pratiques agricoles durables pourraient permettre ainsi aux pays ACP à faibles et à moyens revenus de créer des marchés d´exportation substantiels. Reste à voir si les biocarburants favoriseront une redistribution plus équitable des richesses sur la planète. La flambée des cours du pétrole suscite un regain d'intérêt pour les carburants d'origine végétale. Canne à sucre, manioc, sorgho ou pourghère : dans les pays ACP, on teste tous azimuts... |
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Date |
2006
2015-03-26T12:16:11Z 2015-03-26T12:16:11Z |
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Type |
News Item
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Identifier |
CTA. 2006. Biocarburants: à la poursuite du petrole vert. Spore, Spore 123. CTA, Wageningen, The Netherlands
1011-0046 https://hdl.handle.net/10568/63182 https://hdl.handle.net/10568/99643 |
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Language |
fr
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Relation |
Spore
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Rights |
Open Access
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Publisher |
Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
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Source |
Spore
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