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Taro d’ombre et de lumière

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Title Taro d’ombre et de lumière
 
Creator Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
 
Description Enraciné dans la cultures des îles du Pacifique, le taro y est aussi largement révéré que consommé. Il est également au menu dans les Caraîbes et en Afrique. Avenir lumineux ou plutôt sombre ?

Si vous étiez un taro pas très sûr de vous, vous croiriez que le monde s’acharne à vous persuader que vous souffrez d’un grave trouble de la personnalité.

Côté lumière, vous êtes vénéré dans le Pacifique par tous les peuples qui vous cultivent. Servi à table comme plat principal, vous mettez immédiatement fin aux hostilités éventuelles. Vous figurez dans la médecine traditionnelle et même, à Samoa et à Tonga, sur les pièces de monnaie. Peut-être ornerez-vous un jour un drapeau national ? Vous êtes le quatorzième aliment de base dans le monde. À Hawaii, vous êtes si important que seuls les hommes vous cultivent. Au Cameroun, où ce sont les femmes qui cultivent et cuisinent, vous êtes au centre d’un rituel complexe de service et vous aidez à ' attraper un homme '.

Côté ombre, vous êtes sur la liste des plantes les plus sous-exploitées — mais vous pourriez prendre cela comme un défi plutôt qu’une rebuffade. Votre chair féculente est toxique si elle n’est pas bien cuite. Vous êtes une plante périssable qui ne se conserve pas plus d’une semaine. Vous êtes sensible à la rouille des feuilles et vous risquez de disparaître des champs et des menus de nations entières si vous n’améliorez pas votre résistance. Pour certains, vous êtes une nourriture de pauvres. Vous avez flirté avec les marchés chic d’Europe et d’Amérique du Nord dans les années 90, mais aujourd’hui seuls les marchés des diasporas et des produits ethniques vous sont fidèles.



Un appétit mondial



Allons, taro, il est temps de tourner une nouvelle feuille. Colocasia esculenta est un tubercule comestible ovale de 1 à 3 kg, né en Asie où il est généralement connu sous le nom de taro, nom qui s’est répandu dans le monde entier. Aux Caraïbes, le tubercule est plus long et appelé dasheen ou dachine, voire même chou de Chine. Ses feuilles sont consommées cuites comme légume vert. Servi en ' calalou ' à Trinité-et-Tobago ou en Martinique, le taro atteint au statut sacré de plat national. En Afrique de l’Ouest, il est écrasé avec le manioc pour le ' foufou ' et sert de nourriture de base au Cameroun, au Ghana, en Guinée et au Nigeria. On l’appelle parfois cocoyam comme son cousin le macabo, Xanthosoma sagittifolium, connu aussi sous le nom de tanier.

Le taro est cultivé dans 30 pays, dans les bas-fonds comme sur les hautes terres. L’Afrique en est le plus gros producteur. Le Nigeria compte pour la moitié des 8, 5 millions de tonnes produits dans le monde ; le Ghana, la Côte d’Ivoire, Madagascar et la Centrafrique sont les autres grands producteurs sur le continent. Après l’Afrique vient l’Asie, où la Chine est le principal producteur, suivie par le Japon, les Philippines et la Thaïlande.



Un choc salutaire



Avec une production de 300 000 tonnes, l’Océanie ne dépasse que les Caraïbes. C’est pourtant ici que l’étoile du taro brille le plus fort. Selon la FAO, 'aucune autre région ne se compare à l’Océanie en terme d’intensité de la production, d’importance de la consommation et de dépendance alimentaire'. À Tonga, où les tubercules représentent la moitié de l’énergie alimentaire, 40% des calories viennent du taro. Aux Îles Salomon, 10% des calories viennent du taro, 30% d’autres tubercules.

C’est à Samoa que le rôle central du taro s’exprime le mieux. Avant la rouille dévastatrice de 1993, le taro représentait presque toute la consommation de tubercules, soit 20% du régime alimentaire. Sa disparition des menus du jour au lendemain et l’interdiction des plus modestes exportations aux compatriotes d’Australie, de Nouvelle-Zélande ou de Californie causèrent un grand choc au sentiment national et à l’économie de Samoa — un traumatisme identitaire.

Beaucoup de pays du Pacifique ont alors pris conscience de leur vulnérabilité à la rouille des feuilles du taro et recommencé à prendre soin de cette culture que d’une certaine manière ils tenaient pour acquise. Vu son rôle spirituel et culturel, nous pourrions presque dire que le taro est pour les gens du Pacifique une sorte de dixième chakra — un des centres d’énergie du corps.



Un nouvel élan



Après la rouille est venu un nouvel élan. Grâce au programme TaroGen lancé en 1998 au bureau de Fidji du Secrétariat de la Communauté du Pacifique, des progrès ont été réalisés dans l’exploitation et la gestion de la biodiversité. La plante est revenue à Samoa où des agriculteurs ont planté des variétés résistantes sélectionnées. Il faut non seulement poursuivre les recherches afin de maintenir la diversité et la résistance, mais aussi trouver les moyens d’améliorer la diffusion de semences et plants résistants.

Les chercheurs se concentrent maintenant sur les empreintes génétiques des différentes variétés de taro afin de faciliter les comparaisons des échantillons de différents pays. Un autre objectif consiste à indexer les virus pour surmonter les problèmes de quarantaine au cours des échanges internationaux de matériel génétique. L’établissement de banques de gènes pour la conservation in vitro reste une priorité, mais on accorde désormais plus d’attention aux systèmes de stockage des semences et à la conservation in situ. Selon TaroGen, cela 'impliquera les communautés agricoles dans la recherche et le développement, en combinant les aspects sociaux, biologiques et agroécologiques de la culture du taro'. Cette question permanente d’une bonne entente entre paysans et chercheurs figure en bonne place au programme du Troisième Colloque sur le Taro prévu fin mai 2003 à Fidji.

Enfin, dans ce monde aux goûts changeants, le taro peut-il aussi améliorer sa position dans le commerce international ? L’amélioration de la qualité, des normes, de nouveaux produits, d’autres techniques de transformation et de stockage... et du marketing aideront à le relancer.

On parle de chips, de poudres, de farines, de gâteaux, de crèmes glacées : des aliments énergétiques, en somme. De l’énergie pour un peuple, de l’énergie pour une plante.



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Ça, c’est du taro !
Enraciné dans la cultures des îles du Pacifique, le taro y est aussi largement révéré que consommé. Il est également au menu dans les Caraîbes et en Afrique. Avenir lumineux ou plutôt sombre ?Si vous étiez un taro pas très sûr de vous,...
 
Date 2003
2015-03-26T12:15:59Z
2015-03-26T12:15:59Z
 
Type News Item
 
Identifier CTA. 2003. Taro d’ombre et de lumière. Spore, Spore 103. CTA, Wageningen, The Netherlands
1011-0046
https://hdl.handle.net/10568/63101
https://hdl.handle.net/10568/99676
 
Language fr
 
Relation Spore
 
Rights Open Access
 
Publisher Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
 
Source Spore